Dossier 2
L'égalité des enfants adoptés
en matière de citoyenneté.
Le projet de loi C-18 sur la citoyenneté
Le projet de loi C-18 est très similaire à C-16 et C-63
qui l'ont précédé. Il accorderait la citoyenneté
canadienne aux enfants adoptés à l'étranger par
des canadiens vivant au Canada. Il permettra aussi aux canadiens vivant
et adoptant à l'étranger d'obtenir la citoyenneté
pour leur enfant, même si l'enfant ne vit pas au Canada.
C-18 prévoit que, pour toutes les adoptions faites après
le 14 février 1977, un enfant adopté à l'étranger
devient citoyen canadien «dès la demande».
La loi élimine la nécessité pour les enfants adoptés
à l'étranger de vivre trois ans au Canada avant de demander
la citoyenneté. Toutefois, la citoyenneté ne serait pas
automatique: les parents devraient encore faire une demande au nom de
l'enfant. Notez que, depuis le 27 février aux États-Unis,
les enfants adoptés d'un pays étranger par des citoyens
américains obtiennent automatiquement la citoyenneté américaine.
La loi actuelle sur la citoyenneté requiert que les enfants
adoptés à l'étranger deviennent résidents
permanents avant d'obtenir la citoyenneté. Mais les enfants nés
à l'étranger de parents canadiens obtiennent automatiquement
la citoyenneté. Cela entraîne que:
- Les enfants adoptés sont traités différemment
des enfants biologiques nés à l'étranger de citoyens
canadiens. La cour fédérale a déclaré
que ces distinctions fondées sur la «parenté par
adoption» enfreignent les dispositions égalitaires de
la Charte canadienne des droits et libertés.
- Les enfants adoptés à l'étranger par des parents
canadiens continuant de vivre à l'étranger ne peuvent
devenir des résidents permanents et, par conséquent,
ils ne peuvent pas devenir citoyens canadiens.
L'article 9 du projet de loi C-18 est celui qui porte sur l'adoption.
Voici cet article:
«9. (1) Le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté
à la personne qui a été adoptée par un
citoyen après le 14 février 1977 alors qu'elle était
un enfant mineur. L'adoption doit par ailleurs satisfaire aux critères
suivants:
- elle a été faite dans l'intérêt supérieur
de l'enfant;
- elle a créé un véritable lien de filiation
entre l'adopté et l'adoptant;
- elle a été faite conformément au droit du
lieu de l'adoption et du pays de résidence de l'adoptant;
- elle n'a pas été faite dans le but d'éluder
les obligations légales régissant l'admission au Canada
ou la citoyenneté.
(2) Le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à
la personne adoptée par un citoyen après le 14 février
1977 alors qu'elle était âgée de dix-huit ans
ou plus si, à la fois:
- l'adoptant lui tenait lieu de parent avant qu'elle n'ait atteint
l'âge de dix-huit ans;
- l'adoption répond aux critères visés aux
alinéas (1) b) à d). (Source)
»
Dans son Analyse
article par article de C-18, Citoyenneté et Immigration Canada
précise:
«Paragraphe 9(1)
Cette disposition étend la citoyenneté aux enfants
nés à l'étranger et adoptés par un citoyen
canadien.
(...)
Un enfant adopté n'est ni tenu de prêter le serment
de citoyenneté ni assujetti aux interdictions.
Justification
Suivant la loi actuelle, un enfant né à l'étranger
et adopté par un parent canadien ne peut devenir un Canadien
sans d'abord obtenir le statut de résident permanent. Les enfants
nés à l'étranger d'un parent canadien acquièrent
automatiquement la citoyenneté. Le principe d'équité
nous oblige, dans la mesure du possible, à traiter les enfants
adoptés de la même façon que les enfants biologiques.
La loi proposée fait disparaître bon nombre des distinctions
établies par la loi actuelle entre les enfants biologiques
et les enfants adoptés nés à l'étranger.
Par ailleurs, elle protège l'intégrité de la
citoyenneté en exigeant que l'adoption crée un véritable
lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant et que l'adoption
n'ait pas été faite dans le but d'échapper à
l'application des lois canadiennes en matière d'immigration
et de citoyenneté. Enfin, elle requiert que l'adoption soit
faite dans l'intérêt supérieur de l'adopté.
Cette disposition permettra au ministère d'adopter des règlements
qui lui permettront d'exiger formellement une étude de foyer
et un examen médical. Ces outils ne seront toutefois utilisés
que pour fournir de l'information aux provinces et aux parents adoptifs
et ne pourront être invoqués pour refuser d'attribuer
la citoyenneté à l'enfant. Le principe de l'intérêt
supérieur de l'enfant permettra en outre au Ministère
de prendre des mesures pour contrer l'enlèvement et le trafic
des enfants.
Paragraphe 9(2)
Cette disposition permet, dans certaines circonstances, à
une personne adoptée après l'âge de 18 ans de
jouir des mêmes privilèges qu'un mineur adopté.
Selon cette disposition, l'adoptant doit cependant avoir tenu lieu
de parent à l'adopté avant que ce dernier n'ait atteint
l'âge de 18 ans. L'adoption doit par ailleurs satisfaire aux
autres critères prévus pour l'adoption des mineurs,
à savoir:
- elle a créé un véritable lien de filiation
entre l'adopté et l'adoptant;
- elle a été faite conformément au droit du
lieu de l'adoption et du pays de résidence de l'adoptant;
- elle n'a pas été faite dans le but d'éluder
les obligations légales régissant l'admission au Canada
ou la citoyenneté.
Un enfant adopté n'est ni tenu de prêter le serment
de citoyenneté ni assujetti aux interdictions.
Justification
Ce paragraphe prévoit la transmission de la citoyenneté
à une personne adoptée après l'âge de 18
ans. Même s'il est rare qu'un adulte soit adopté, la
chose peut se produire lorsqu'il existe un lien entre l'adoptant et
l'adopté depuis de nombreuses années, mais que les démarches
pour légaliser ce lien ont été faites tardivement.
Cette disposition est semblable à celles qui existent dans
le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés
au sujet de l'adoption d'adultes. »
La loi profitera surtout aux canadiens qui adoptent et vivent hors
du Canada, puisque présentement ils ne peuvent pas faire une
demande de citoyenneté pour leur enfant (parce que pour faire
la demande l'enfant doit être résident permanent au Canada).
Pour résoudre ce problème, en attente de la nouvelle législation,
une politique spéciale émise le 16 juillet 2001 permet
aux canadiens vivant et adoptant à l'étranger d'obtenir
la citoyenneté pour leur enfant.
Dans son Résumé
législatif de C-18, la Direction de la recherche parlementaire
ajoute:
« ... les enfants adoptés à l’étranger
peuvent devenir citoyens canadiens sur simple demande, sans devoir
devenir résidents permanents.»
« ... les dispositions du projet de loi C-18 sur l’adoption
s’appliquent uniquement aux enfants déjà adoptés
à l’étranger, et non aux enfants parrainés
pour venir au Canada afin d’y être adoptés.
Ces derniers doivent toujours demander le statut de résident
permanent avant d’être admis au Canada. Des membres
du Comité ont fait remarquer qu’au Québec, une
adoption faite à l’étranger n’est terminée
qu’une fois que l’enfant est arrivé au Canada et
qu’un tribunal a approuvé son adoption. À
l’époque où le Comité étudiait le
projet de loi C-16, le gouvernement fédéral et celui
du Québec avaient apparemment cessé de négocier.
Les négociations ont maintenant repris.
De 1996 à 2001 inclusivement, près de 13 500 enfants
adoptés à l’étranger ou destinés
à l’adoption au Canada ont été reçus.
La plupart d’entre eux avaient été adoptés
à l’étranger. Il n’en reste pas moins
que plus de 1 000 enfants, soit 8 p. 100 du total, sont venus
au Canada avant que l’adoption ne soit chose faite. Ces
enfants ne seront pas visés par le projet de loi C-18 et doivent
toujours devenir résidents permanents.»
Les résidents permanents au Canada peuvent faire une demande
de citoyenneté après avoir vécu trois ans au Canada.
Pour l'état d'avancement des travaux de la Chambre, voir le
site du Parlement du Canada
http://www.parl.gc.ca/37/2/parlbus/chambus/house/status/statuscov-f.html
Source:
Adapté et augmenté à partir de l'entrée
de nouvelles «CITIZENSHIP BILL TO HELP ADOPTED CHILDREN »,
Conseil d'adoption du Canada, www.adoption.ca
(13 juin 2003), Traduction française: Gilles
Breton, webmestre, Quebecadoption.net.
Archives du dossier:
Voici un article de Pat
Fenton du Conseil d'adoption du Canada, un organisme sans but lucratif,
à propos des démarches légales entrerises par le
couple McKenna pour faire obtenir l'égalité des enfants
adoptés et biologiques en matière de citoyenneté.
Jugement en attente dans l'appel McKenna
La cause McKenna a été entendue à la Cour fédérale
d'appel les 19 et 20 mai à Toronto. Shirley McKenna a fait le voyage
depuis l'Irelande pour y assister en compagnie de ses deux soeurs. Elle
fut bien représentée par l'avocate Mary Eberts. Willa
Marcus, avocate du Conseil d'adoption du Canada représentant
le milieu de l'adoption, a parlé avec éloquence de la
nécessité de reconnaître que les liens adoptifs
sont réels, valides et qu'ils justifient un traitement égal
à ceux ne découlant pas de l'adoption. La Commission canadienne
des droits de l'Homme participait aussi à l'audience. Les trois
juges ont pris la cause en délibéré; nous devrions
obtenir leur décision dans les prochains mois.
L'Honorable juge Strayer, le plus expérimenté des trois
juges présents, a semblé avoir peu de patience pour entendre
tous les arguments et, en fait, il a provoqué une fin abrupte
de l'audience, interrompant brusquement Mary Eberts avant qu'elle termine
sa réponse à la présentation du gouvernement (Mme
Eberts est l'un des avocats les plus en vue en matière de droits
de l'Homme). Les deux autres juges ont semblé plus polis et intéressés.
Leurs préoccupations semblaient concerner les adoptions de convenance
dans lesquelles il n'y a pas de lien parent-enfant bona fide.
La cause McKenna soutient que la loi canadienne sur la Citoyenneté
est discriminatoire à l'endroit des Canadiens adoptés
vivant à l'étranger. Selon cette loi, un enfant canadien,
même s'il est né hors frontière, est automatiquement
citoyen canadien, sauf si cet enfant est adopté.
Shirley McKenna et son mari vivent à Dublin, Irelande mais
ils sont citoyens canadiens. Ils ont plusieurs enfants, incluant Siobhan
et Caragh, leurs filles adoptées en Irelande. En 1978, lorsqu'elle
a tenté d'obtenir un passeport canadien pour elles, elle a appris
qu'elle ne pouvait pas en avoir un. Elle fut choquée et elle
combat le gouvernement canadien depuis lors.
En 1993, un tribunal nommé par la Commission des droits de
l'Homme a jugé que la loi est discriminatoire et que les enfants
adoptés à l'étranger devraient avoir droit à
la citoyenneté si les parents adoptifs peuvent démontrer
que l'adoption à l'étranger a eu lieu selon les lois locales
en la matière et que l'adoption n'avait pas pour but de contourner
la loi canadienne de l'Immigration (les parents ont adopté pour
créer une véritable relation parent-enfant). Un juge de
la Cour fédérale a renversé la décision
du tribunal et Mme McKenna a porté la cause en Cour fédérale
d'appel. Trois juges ont entendu cet appel les 19 et 20 mai 1998 à
Toronto et le jugement est attendu dans plusieurs mois.
À l'audience, le Conseil d'adoption du Canada (CAC) est intervenu
en appui aux McKenna, l'avocate Willa Marcus plaidant que ceux-ci ont
fait l'objet de discrimination parce que leurs filles adoptives n'ont
pas obtenu leur citoyenneté automomatiquement lors de leur adoption
en Irelande.
Mme Marcus a dit à la Cour que le CAC croit que la société
perçoit la vraie famille comme «une chaine continue consistant
à porter un enfant puis à élever cet enfant».
Elle ajouta que toutes les relations qui ne correspondent pas au modèle
de la famille conventionnelle souffrent de stigmatismes et de stéréotypes.
Cela touche autant les relations créées par l'adoption
et non le sang que les relations créées par le sang mais
séparées par l'adoption.
La loi canadienne sur la Citoyenneté affecte aussi les Canadiens
au pays qui s'engagent dans l'adoption internationale: cette loi permet
au gouvernement d'exclure un enfant pour des raisons médicales
(par exemple, un enfant VIH positif ne peut pas immigrer au Canada).
Et c'est la loi qui dit qu'un lien de sang est nécessaire pour
obtenir la citoyenneté si on naît hors du Canada - en d'autres
mots, les liens adoptifs ne sont pas égaux aux liens du sang.
Pat Fenton, Conseil d'adoption du Canada
Traduit par Gilles Breton
Si vous avez des questions, vous pouvez contacter le «Conseil
d'adoption du Canada» (Adoption Council of Ontario, 180 Argyle
Ave., Ottawa, ON, K2P 1B7, Téléphone: (416) 482-0021,
courriel: Pat Fenton).
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URL = http://www.quebecadoption.net/adoption/general/dossier2.html |